Livres et ressources à propos de l’impact environnemental de la photographie
Dès ses débuts, la production d’images photographiques impliquait l’utilisation de matières devant être extraites et produites et ces activités ont toujours eu un impact environnemental.
Je vous propose quelques livres et ressources à propos de ces questions :
Boaz Levin, Esther Ruelfs et Tulga Beyerle : Mining Photography: The Ecological Footprint of Image Production, Spector Books, 2022
Ce livre accompagnait l’exposition éponyme présentée au Museum für Kunst und Gewerbe (MK&G) à Hambourg en 2022. Il s’agit d’un ouvrage fascinant et très ambitieux qui retrace les liens entre la photographie et son empreinte écologique depuis son invention jusqu’à l’ère numérique. Le livre propose des essais théoriques, des œuvres photographiques récentes et anciennes et des documents d’archives. Ses contenus sont regroupés dans cinq sections, qui portent sur le cuivre et le daguerréotype, le charbon et le bitume, le papier, le coton, la gélatine et la cellulose, l’argent et enfin, les terres rares et l’énergie électrique.
Les liens entre les débuts de la photographie et ceux de l’ère de l’énergie fossile sont plus évidents que ce qui est permis de croire. En effet, comme le font remarquer Boaz Levin et Esther Ruelfs dans l’essai intitulé Photography and Climate Change: The Engine of Reflection, and Its Footprints”, c’est le même Nicéphore Niépce qui a eu l’idée de produire les premières images photographiques en utilisant du bitume de Judée, pour sa propriété photosensible, et qui, avec son frère Claude, a inventé le premier moteur à combustion interne, le Pyréolophore, fonctionnant, lui aussi, avec du bitume, mais ici comme comme carburant.
Ce livre/catalogue est constitué d’essais sur les liens de la photographie avec l’extraction minière et l’empreinte écologique de la production d’images photographiques comme, par exemple un texte de Siobhan Angus intitulé The Eastman Kodak Silver Vault ou encore Extractive Operations: Copper and the Photographic Image, de Brett Neilson.
L’autre volet du livre est de nature iconographique, et propose des photographies de l’industrie minière, et d’autres qui sont plutôt des productions artistiques. Les images sont parfois très anciennes et d’autres plus contemporaines. S’y croisent des daguerréotypes datant du milieu du XIXe sicle ayant pour sujet des mines à ciel ouvert, des photographies du minerai ramené du Mexique par Alexander von Humboldt et conservé dans un musée de Berlin, ou encore une photo de l’œuvre de Land Art de Robert Smithson intitulée Asphalt Rundown, qui fait le lien avec le bitume utilisé dans les premiers temps de la photographie comme matière photosensible.
Robert Smithson
Siobhan Angus, Camera Geologica, An Elemental History of Photography, Duke University Press, 2024
Cet ouvrage reprend la structure thématique du précédent, avec une approche plus théorique, qui analyse l’histoire de photographie à travers sa dépendance pour les minerais variés qui lui furent vitaux, telle que le platine, le bitume et l’argent, et plus tard le plutonium et les terres rares. Le livre porte aussi sur l’histoire croisée de la photographie et de l’extraction minière à grande échelle.
Transbordeur Photographie, numéro 8 (2024) : Les histoires écologique de la photographie.
Ce numéro du périodique suisse Transbordeur photographie est consacré aux liens entre la photographie et l’écologie et explore diverses manières de réfléchir à l’articulation entre la photographie et l’écologie depuis le XIXe siècle. Tout comme les deux livres précédents, ce numéro aborde la physicalité de la photographie et ses recours à des substances et à des matières prélevées dans l’environnement, avec entre autres des articles ayant pour titres “Du Cibachrome relativement toxique. Eaux usées de la photographie et production d’images en couleurs“ ; “Verre et poussière. L’hygiène photographique à l’ère industrielle” et “Compositions chimiques. La. photographie et le commerce mondial des produits chimiques au tournant du XXe siècle“. Le numéro contient également des articles portant sur l’usage de la photographie comme mode de documentation de la nature, de l’environnement : “Photographier le climat. Les images des ingénieurs des Eaux et Forêts (1878‑1914) : contribution à une histoire visuelle de l’environnement“ et “Quadrats photographiques. Savoir visuel et méthodologie aux prémices de l’écologie scientifique”.
Un des intérêts de numéro de Transbordeur photographie est d’à la fois démontrer les impacts écologies de la photographie et le rôle de celle-ci pour en quelque sorte la mesurer en documentant la nature et l’environnement.
Je n’ai pas encore lu ces deux livres ni ce périodique, qui patientent sagement dans ma bibliothèque et sur Internet, mais j'en ferai des comptes-rendus plus détaillés quand ça sera fait.
This Is Not A Solution, London Alternative Photography Collective, XYZ Books, sous la direction d’Hannah Fletcher, 2019
This Is (Still) Not A Solution, London Alternative Photography Collective, sous la direction d’Hannah Fletcher, 2020
Ces deux petits ouvrages émanent des travaux du London Alternative Photography Collective qui fait la promotion de techniques photographiques analogiques respectueuses de l’environnement.
Ces livres sont des guides techniques, mais contienne également des exemples d’images produites avec des méthodes respectueuses de l’environnement. Une approche théorique venant lier le tout.
Pour terminer, je signale la thèse universitaire de Edward Maughan-Carr, produite en 2019 et qui est disponible en ligne et s’intitule The Ecology of Grain: An Ecological Analysis of Gelatin in Photographic Film.
Dans ce texte, l’auteur remet en question d’un point de vue éthique et écologique l’exploitation animale nécessaire pour produire la gélatine qui fut essentielle comme liant des matières photosensibles dans les pellicules photographiques.
En pour vraiment terminer, voici une initiative qui intègre deux de mes principaux intérêts, soit le livre de photographie et le respect de l’environnement : le Sustainable Photobook Publishing (SPP) network, un groupe de photographes, éditeurs, universitaires et écrivains qui échangent et partagent leurs connaissances sur les approches écologiquement responsables de l'édition de livres photo imprimés.
Le site de l’organisme contient de nombreuses références, une liste de ressources et des études de cas.
Lucas Leffler : Zilverbeek - Silver Creek, The Eriskay Connection, 2019
L’intérêt pour la photographie, et en particulier pour les livres photographiques, conduit parfois à une réflexion visant à mieux comprendre les mécanismes qui orientent les préférences envers certains photographes et ouvrages plutôt que d’autres. Certes, une part d’impulsivité ou d’attraction esthétique entre en jeu, mais l’influence de thématiques récurrentes est également perceptible. Ces thématiques agissent comme des fils conducteurs, établissant des correspondances entre différents éléments au sein d’une collection de livres photo.
Pour ma part, j’ai un grand intérêt, en photographie, pour les paysages, la nature, l’environnement, tout comme pour les ruines, les choses disparues ou en voie de l’être, et aussi pour ce qui est parfois invisible dans une image, mais, qui pourtant, fut là.
Et au sein de ces intérêts, il y a entre autres les cours d’eau et ce qui lie la photographie non numérique aux éléments chimiques et minéraux nécessaires à sa production et leurs impacts sur l’environnement.
Le livre de Lucas Leffler, Zilverbeek - Silver Creek, est précisément au confluent de ces deux sujets.
Lucas Leffler, photographe belge né en 1993, s’intéresse à la disparition progressive de l’industrie argentique, marquée par la fermeture successive de plusieurs sites de production emblématiques, notamment les usines Kodak à Rochester (États-Unis) et à Chalon-sur-Saône (France), ainsi que celles d’Ilford à Manchester (Royaume-Uni) et d’Agfa-Gevaert près d’Anvers (Belgique).
C’est dans cette usine flamande qu’il découvre, au sein des archives de la firme, un article d’un journal local, publié en 1973, faisant état d’un ruisseau, le bien nommé Zilverbeek (le ruisseau d’argent), dans lequel l’usine déversait des résidus industriels qui contenais une certaine quantité d’argent, matière indispensable à la production de films photographiques dont le principal agent photosensible se composait de sels d’argent.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
L’article faisait mention d’un ouvrier de l’usine qui avait découvert, à partir de 1927, la forte teneur en argent des boues du ruisseau. Il mit alors secrètement au point un procédé permettant de récupérer l’argent contenu dans les boues du ruisseau. Après les avoir asséchées, il les transportait vers une usine métallurgique locale afin d’en extraire le métal précieux. Grâce à cette méthode, il parvenait à récupérer environ une demi-tonne d’argent par an, un gain bien supérieur à son salaire à d’usine, qu’il quitta d’ailleurs pour se consacrer entièrement à ce petit commerce.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Tout cela nous fait comprendre le sens du court texte imprimé au verso du livre : « C’est l’histoire d’un homme qui prend de la boue dans un ruisseau et la transforme en argent »
De nos jours, l’usine a depuis longtemps cessé ses activités et les boues du petit ruisseau ne contienne plus d’argent.
Leffler prend le parti de considérer le récit de l’ouvrier comme un mythe, révélateur de l’époque de ce que l’on a appelé la période argentique de la photographie, ce qui l’incite à développer une série d’expérimentations à partir des boues du ruisseau, des archives de l’usine, et de photographies prises dans la zone du ruisseau et de l’usine elle-même.
Zilverbeek - Silver Creek, est composé de trois sections. La première montre des photographies d’archives, datant probablement des années 1930-1960, où l’on voit des ouvriers s’affairer à la production, des machines ainsi que des photos de l’usine elle-même. La deuxième section, composée de deux pages imprimées sur un papier cartonné, contient un court texte relatant l’Histoire des rejets d’argent dans le ruisseau, ainsi que son extraction par l’ouvrier, accompagné de photographies d’archives de l’usine, en négatif. Enfin, la troisième section contient des photographies contemporaines prises par Leffler dans la zone du ruisseau. Celles-ci sont parfois assez métaphoriques, ne dévoilant pas directement leurs sujets, tels que des vues de la végétation autour du petit ruisseau, ou encore un homme debout avec une pelle et un seau, dans le brouillard. On devine qu’il s’agit du photographe, qui s’apprête, à l’instar du pionnier qui l’a précédé, de prélever de la boue au fond du Zilverbeek afin d’y rechercher des traces d’argent. D’autres images montrent un bac de développement photographique enduit de boue et une pelle souillée de cette même matière.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Photo : Lucas Leffler
Photos : Lucas Leffler
Leffler a ensuite utilisé cette matière pour créer des « empreintes de boue » grâce à une technique de sérigraphie, dont une reproduction a été intégrée sous forme d’affiche dans le livre, à l’endos de laquelle on retrouve le texte de l’article de journal de 1973.
Mais ces boues ne contenaient plus d’argent. Leffler a donc dû ajouter de la matière sensible à la boue pour produire des images :
« Initialement j’altérais mes plans-films pour obtenir des taches et un rendu plus sombre. J’ai ensuite essayé d’ajouter à cette matière organique des couches de nitrate d’argent en gélatine liquide de manière à travailler la boue comme un papier photo et donc la rendre photosensible. J’effectue mes prises de vue en argentique ou en numérique que je transfère ensuite sur un négatif utilisé en chambre noire pour un tirage mudprint. »
Photo : Lucas Leffler
Et c’est ainsi que l’on constate que pour le photographe, ces expériences sont des sortes de tentatives de réinterprétation de ce qui fut au cœur de la production photographique avant le numérique, soit la photosensibilité de matières physique.
Leffler affirme que cette histoire l’a « d’abord intéressé pour la véracité des faits. C’est bien parce que cette histoire fabuleuse a réellement eu lieu que j’en ai fait une recherche. Mais, j’ai tenté de réinterpréter ces faits en les fictionnalisant. En me mettant moi-même en scène près du ruisseau, comme si j’étais l’ouvrier orpailleur (ou argentpailleur)». Leffler cite l’historien et théoricien Michel Poivert, qui affirme que : « Depuis une génération, la photographie connaît un courant sensible à sa rematérialisation alors que la culture numérique s’est imposée ».
Pour Leffler : « Le cœur de Zilverbeek c’est surtout la mythologie industrielle d’une pollution qui a abouti à créer un ruisseau d’argent. Mes photographies permettent de donner corps à ce qui semble une fable, un conte de fées. ».
« Donner corps », rendre visible, même métaphoriquement, un procédé disparu.
Dans ses expérimentations, la boue est autant la substance photosensible, que le « support » à une image, aussi difficile à percevoir soit-elle.
Leffler affirme n’avoir « […] jamais réellement extrait d’argent de cette boue comme il n’y en a plus depuis 50 ans. Par contre, il y a une dimension performative à ce travail, dans le sens où je revisite une histoire passée que je tente de réactiver par le biais de l’enquête et de la mise en scène ».
Ce livre témoigne parfaitement de cette pratique, faite de recherches dans les archives et sur le terrain, et d’expérimentation, et dont le plus grand intérêt est de dévoiler de manière subtile le processus même de la démarche de l’artiste.
Le travail de terrain et les expérimentations de Leffler ont ensuite évolué et une production importante d’œuvres en a résulté. Le livre ne contient qu’une seule des images réalisées avec la boue du Zilverbeek, mais on retrouve de nombreuses reproductions de ce corpus dans un document numérique disponible sur le site de l’artiste.
Extrait du livre Zilverbeek, de Lucas Leffler
Comme je le mentionnais au début de ce texte, je m’intéresse aux livres photographiques portant d’une manière ou d’une autre aux cours d’eau, ainsi qu’a la question de l’impact environnemental de la photographie de puis ses débuts.
Je vous invite à lire mes deux articles à ce propos :
Livres et ressources à propos de l’impact environnemental de la photographie
Les cours d’eau comme thématique de certains livres photographiques
LIENS EXTERNES ET RÉFÉRENCES :
Site de l’éditeur de Zilverbeek : https://www.eriskayconnection.com/zilverbeek/
Vidéo de défilement des pages de Zilverbeek : https://vimeo.com/345891261
Document visuel des œuvres de Lucas Lefler, sur son site Web : https://drive.google.com/file/d/1ElD5ZwsxJeqjadmgiyV_d8oGNjhLRc6w/view
« Zilverbeek, c'est l'histoire d'un homme qui transforme la boue en argent" : Rencontre avec Lucas Leffler ». : https://phototrend.fr/2021/11/zilverbeek-lucas-leffler-boue-en-argent/
L'ouvrier qui transformait la boue en argent dans Zilverbeek (Silver creek) :
https://fisheyemagazine.fr/article/louvrier-qui-transformait-la-boue-en-argent/
Suzuki Mayumi : The Reconstruction Will
Voici ma cinquième publication de la série Pourquoi je me passionne pour la photographie.
J’ai été frappé par l’intensité du travail de la photographe japonaise Suzuki Mayumi qui porte sur le décès de ses parents suite au Tsunami qui a détruit leur ville, Onagawa, le 11 mars 2011. La catastrophe y avait fait près de 900 disparus
La photographe est allée sur place quelques jours après le Tsunami, dans l’espoir de retrouver quelques souvenirs et de réaliser son deuil. Elle cherchait une manière de rendre hommage à ses parents. Elle souhaitait exaucer ce qu’elle appelle un « veux de reconstruction ».
Le résultat est une série d’images et un livre intitulés Reconstruction Will.
Le père de la photographe était également photographe. Dans les décombres de la maison familiale, Suzuki Mayumi retrouve quelques objets : un appareil photo, les restes d’une chambre noire et des albums de photographies, le tout très abimés.
Photo : Suzuki Mayumi
Elle entreprends alors son projet de reconstruction en tentant de restaurer des photographies et de les exposer dans leur nouvel état, qui porte les traces de la catastrophe.
Photo : Suzuki Mayumi
Je m’intéresse beaucoup à la matérialité de la photographie, et à sa fragilité inhérente. Je m'intéresse aussi à la Méta-photographie, la photographie à propos de la photographie, comme on en retrouve dans ce projet
Photo : Suzuki Mayumi
J’ai eu la chance de découvrir le travail de cette photographe aux Rencontres photographiques d’Arles en septembre 2024. Son travail était présenté dans le cadre de l’exposition Répliques – 11/03/11, des photographes japonaises et japonais face au cataclysme.
Photo : Suzuki Mayumi
Ces témoignages de la fragilité de l’épreuve photographique m’ont également rappelé une exposition vue la veille, celle des images de Sophie Calle, présentées aux cryptoportiques, soit les sous-sol et fondation de la ville antique d’Arles. Ce lieu extrêmement humide et bien fourni en moisissures achevait la destruction déjà entamée par un dégât des eaux d’une série de photographies, et plus précisément celle intitulée Les aveugles. La volonté de Sophie Calle était de montrer une dernière fois ces images dont l’intégrité physique était déjà fragilisée par l’eau et l’humidité.
Le site de la photographe japonaise : https://www.mayumisuzuki.jp/therestorationwill
Le site de l’éditeur de son livre : https://www.ceibaeditions.com/store/books/the-restoration-will/
Un texte de l’artiste sur le projet, avec beaucoup d’images : https://www.lensculture.com/articles/mayumi-suzuki-the-restoration-will
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Thin Air, par Cemil Batur Gökçeer
Voici ma quatrième publication de la série Pourquoi je me passionne pour la photographie.
Elle a cette fois-ci pour sujet non pas un livre, mais une exposition, celle du photographe turc, et même Stambouliote (ici je me fais plaisir avec ce cocasse gentilé) Cemil Batur Gökçeer, que j’ai découvert aux Rencontres de la photographie à Arles en septembre dernier.
L’exposition présentait son projet intitulé Thin Air, dans lequel le photographe soumet ses pellicules 35mm à de doubles et parfois triples expositions. Ce processus laisse beaucoup de place à l’aléatoire des combinaisons de motifs, textures, couleurs, lumières et produit des images qui ne se laisse pas déchiffrer facilement, gardant pour elle un certain mystère.
On retrouve dans ces images des motifs minéraux, aériens, parfois aussi des personnes, beaucoup d’interstices et aussi du feu. le tout, en se combinant, produit de nombreuses possibilités de lecture. Les expérimentations du photographe rapprochent des objets non contigus dans une même image, créant un surplus potentiel de sens.
Photo : Cemil Batur Gökçeer
Comment le photographe décide-t-il des sujets à accumuler dans une même photographie ? Est-il conscient des effets à produire lors des prises de vues ? Je ne le sais pas. Il laisse entendre qu’il maîtrise en partie le processus, en retournant, par exemple, sur la face opposée d’une montagne pour réimprégner une pellicule où s’était déjà inscrite l’autre face, quelques semaines ou mois auparavant.
Photo : Cemil Batur Gökçeer
Quoiqu’il en soit, pour ma part, je suis intrigué par ces images qui m’incitent à tenter de percevoir ce qu’elles contiennent de manière indirecte et ambiguë. N’est-ce pas étrange que l’accumulation de captations soit disant fidèles du « réel » par la photographie produise des images ambivalentes ou indécises ?
Lien vers le site du photographe : https://cemilbaturgokceer.net/Thin-Air
Lien vers la page web de l’exposition à Arles : https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1556/cemil-batur-gokceer
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Charbon blanc, du photographe belge Teo Becher
Dans son livre Charbon blanc, le photographe belge Teo Becher explore une ancienne vallée industrielle dans les Alpes françaises. Sans parenté avec Bernd et Hilla Becher, Teo Becher partage tout de même avec eux un intérêt pour les sites industriels.
Le livre, dont je me suis procuré un exemplaire à Arles en septembre 2024, a été publié en 2021 par les Éditions le bec en l’air, à Marseille.
Dans ce livre, dont le titre réfère à une expression ancienne pour nommer l’hydroélectricité, Teo Becher témoigne de la réalité à la fois industrielle et montagneuse de la vallée de la Maurienne, dans les Alpes françaises. Cette vallée fut autrefois truffée d’usines de production d’aluminium qui profitaient de la présence de barrages hydroélectriques à proximité.
Photo : Téo Becher
Les photographies de Becher évoquent à la fois ce passé industriel et la nature montagnarde.
Becher travail avec des pellicules argentiques, de grand ou moyen format. Afin d’évoquer à la fois la matérialité photosensible des films , ainsi que les traces laissées par le passé industriel dans les sols de la vallée, Becher a enterré une partie de ses négatifs couleur pour des périodes de quelques mois. À quelques occasions, l’expérience a laissé des marques sur les négatifs, que l’on retrouve sur les images du livre.
Photo : Téo Becher
Ce processus implique une autre manière d’exposer la pellicule à un environnement. Avant son exposition à la lumière, et à l’organisation euclidienne qu’impose l’objectif, la pellicule est soumise aux traces souterraines. Celles-ci restent mystérieuses. Le photographe laisse penser qu’il pourrait entre autres s’agir d’un effet des matières industrielles et potentiellement radioactives, encore présentes dans le sol, mais cela reste hypothétique. Dans un texte qui résume le passé industriel de la Maurienne, Becher évoque plutôt sa démarche comme étant un acte performatif :
“Dans cet acte performatif, je ne cherche pas à imprimer les traces d’une potentielle radioactivité présente dans le terrain, mais j’y fait immanquablement référence, en laissant la parole aux paysage tout en évoquant l’histoire des sciences et l’utilisation du territoire que en découle “
Ces photos “souterraines”, quasi abstraites, sont imprimées sur des pages en partie non massicotées, de manière à les dissimuler, augmentant leur aspect mystérieux.
Teo Becher, Charbon blanc.
Photo : Téo Becher
Le photographe a fait de nombreux séjours dans la vallée de la Maurienne et y a beaucoup marché. Le rapport de la marche avec la photographie est fréquent dans les pratiques photographiques. Il renforce le lien entre l’acte photographique et le sujet. Sujet photographe et sujet photographié. Marché dans un environnement donné c'est aussi s’y exposer
Le portrait de cette vallée que réalise Becher n’est pas que lié à ses antécédents industriels, c’est aussi un témoignage du temps passé par le photographe dans la région. Certaines images sont plus intimes, on devine une petite chambre, un rideau, une lampe. En extérieur, outre les montagnes et anciennes usines, il y a ausi des images moins évidentes, comme des pas dans la neige, ou une chute d’eau en glace. Celle ci évoque d’ailleur la fixation du temps par le processus photographique.
Photo : Téo Becher
Photo : Téo Becher
Lien vers le site web du photographe : https://teobecher.be/
Lien vers le site de l’éditeur : https://www.becair.com/produit/charbon-blanc/
Lien vers une entrevue avec Teo Becher : https://www.fisheyemagazine.fr/rdv/livre/charbon-blanc-teo-becher-lalchimiste-des-alpes/
Virginia Hanusik : Into the Quiet and the Light: Water, Life, and Land Loss in South Louisiana
Voici ma deuxième publication de la série Pourquoi je me passionne pour la photographie.
Après Mark Ruwedel, je vous propose des images de la photographe américaine Virginia Hanusik qui documente depuis plusieurs années l’estuaire du fleuve Mississippi, au sud de la Louisiane.
On y voit un monde fragilisé par les changements climatiques et la pollution, qui laisse entrevoir des situations encore plus dramatiques dans l’avenir.
Photo : Virginia Hanusik
Virginia Hanusik documente le processus immuable de disparition d’un territoire, et de l’adaptation, bien temporaire, de ses habitants face à la montée des eaux.
Les images que je vous propose sont extraites de sa série "Into the Quiet and the Light: Water, Life, and Land Loss in South Louisiana".
La photographe vient d’ailleurs de publier un livre au même titre, édité par la Columbia Universitity Press : https://cup.columbia.edu/book/into-the-quiet-and-the-light/9781941332825
Lien vers le site Web de la photographe : https://www.virginiahanusik.com/
Lien vers un article intéressant à propos du livre : https://aperture.org/editorial/in-louisiana-a-photographer-charts-storms-and-weather-as-markers-of-time/
Enfin, ces images du Bayou louisianais me remettent en mémoire le magnifique film Beasts of the Southern Wild, réalisé par Benh Zeitlin en 2012. Une fable fantastique se déroulant dans un environnement pour le moins humide : https://en.wikipedia.org/wiki/Beasts_of_the_Southern_Wild
Je vous invite à me faire parvenir vos commentaires ou des suggestions de liens complémentaires.
Photo : Virginia Hanusik
Photo : Virginia Hanusik
Photo : Virginia Hanusik