Suzuki Mayumi : The Reconstruction Will


Voici ma cinquième publication de la série Pourquoi je me passionne pour la photographie.

J’ai été frappé par l’intensité du travail de la photographe japonaise Suzuki Mayumi qui porte sur le décès de ses parents suite au Tsunami qui a détruit leur ville, Onagawa, le 11 mars 2011. La catastrophe y avait fait près de 900 disparus

La photographe est allée sur place quelques jours après le Tsunami, dans l’espoir de retrouver quelques souvenirs et de réaliser son deuil. Elle cherchait une manière de rendre hommage à ses parents. Elle souhaitait exaucer ce qu’elle appelle un « veux de reconstruction ».

Le résultat est une série d’images et un livre intitulés Reconstruction Will.

Le père de la photographe était également photographe. Dans les décombres de la maison familiale, Suzuki Mayumi retrouve quelques objets : un appareil photo, les restes d’une chambre noire et des albums de photographies, le tout très abimés.

Photo : Suzuki Mayumi

Elle entreprends alors son projet de reconstruction en tentant de restaurer des photographies et de les exposer dans leur nouvel état, qui porte les traces de la catastrophe.

Photo : Suzuki Mayumi

Je m’intéresse beaucoup à la matérialité de la photographie, et à sa fragilité inhérente. Je m'intéresse aussi à la Méta-photographie, la photographie à propos de la photographie, comme on en retrouve dans ce projet

Photo : Suzuki Mayumi

J’ai eu la chance de découvrir le travail de cette photographe aux Rencontres photographiques d’Arles en septembre 2024. Son travail était présenté dans le cadre de l’exposition Répliques – 11/03/11, des photographes japonaises et japonais face au cataclysme.

Photo : Suzuki Mayumi

Ces témoignages de la fragilité de l’épreuve photographique m’ont également rappelé une exposition vue la veille, celle des images de Sophie Calle, présentées aux cryptoportiques, soit les sous-sol et fondation de la ville antique d’Arles. Ce lieu extrêmement humide et bien fourni en moisissures achevait la destruction déjà entamée par un dégât des eaux d’une série de photographies, et plus précisément celle intitulée Les aveugles. La volonté de Sophie Calle était de montrer une dernière fois ces images dont l’intégrité physique était déjà fragilisée par l’eau et l’humidité.

Le site de la photographe japonaise : https://www.mayumisuzuki.jp/therestorationwill

Le site de l’éditeur de son livre : https://www.ceibaeditions.com/store/books/the-restoration-will/

Un texte de l’artiste sur le projet, avec beaucoup d’images : https://www.lensculture.com/articles/mayumi-suzuki-the-restoration-will

Je vous invite à me faire parvenir vos commentaires et suggestions de liens complémentaires..


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Charbon blanc, du photographe belge Teo Becher


Dans son livre Charbon blanc, le photographe belge Teo Becher explore une ancienne vallée industrielle dans les Alpes françaises. Sans parenté avec Bernd et Hilla Becher, Teo Becher partage tout de même avec eux un intérêt pour les sites industriels.

Le livre, dont je me suis procuré un exemplaire à Arles en septembre 2024, a été publié en 2021 par les Éditions le bec en l’air, à Marseille.

Dans ce livre, dont le titre réfère à une expression ancienne pour nommer l’hydroélectricité, Teo Becher témoigne de la réalité à la fois industrielle et montagneuse de la vallée de la Maurienne, dans les Alpes françaises. Cette vallée fut autrefois truffée d’usines de production d’aluminium qui profitaient de la présence de barrages hydroélectriques à proximité.

Photo : Téo Becher

Les photographies de Becher évoquent à la fois ce passé industriel et la nature montagnarde.

Becher travail avec des pellicules argentiques, de grand ou moyen format. Afin d’évoquer à la fois la matérialité photosensible des films , ainsi que les traces laissées par le passé industriel dans les sols de la vallée, Becher a enterré une partie de ses négatifs couleur pour des périodes de quelques mois. À quelques occasions, l’expérience a laissé des marques sur les négatifs, que l’on retrouve sur les images du livre.

Photo : Téo Becher

Ce processus implique une autre manière d’exposer la pellicule à un environnement. Avant son exposition à la lumière, et à l’organisation euclidienne qu’impose l’objectif, la pellicule est soumise aux traces souterraines. Celles-ci restent mystérieuses. Le photographe laisse penser qu’il pourrait entre autres s’agir d’un effet des matières industrielles et potentiellement radioactives, encore présentes dans le sol, mais cela reste hypothétique. Dans un texte qui résume le passé industriel de la Maurienne, Becher évoque plutôt sa démarche comme étant un acte performatif :

“Dans cet acte performatif, je ne cherche pas à imprimer les traces d’une potentielle radioactivité présente dans le terrain, mais j’y fait immanquablement référence, en laissant la parole aux paysage tout en évoquant l’histoire des sciences et l’utilisation du territoire que en découle “

Ces photos “souterraines”, quasi abstraites, sont imprimées sur des pages en partie non massicotées, de manière à les dissimuler, augmentant leur aspect mystérieux.

Teo Becher, Charbon blanc.

Photo : Téo Becher

Le photographe a fait de nombreux séjours dans la vallée de la Maurienne et y a beaucoup marché. Le rapport de la marche avec la photographie est fréquent dans les pratiques photographiques. Il renforce le lien entre l’acte photographique et le sujet. Sujet photographe et sujet photographié. Marché dans un environnement donné c'est aussi s’y exposer

Le portrait de cette vallée que réalise Becher n’est pas que lié à ses antécédents industriels, c’est aussi un témoignage du temps passé par le photographe dans la région. Certaines images sont plus intimes, on devine une petite chambre, un rideau, une lampe. En extérieur, outre les montagnes et anciennes usines, il y a ausi des images moins évidentes, comme des pas dans la neige, ou une chute d’eau en glace. Celle ci évoque d’ailleur la fixation du temps par le processus photographique.

Photo : Téo Becher

Photo : Téo Becher

Lien vers le site web du photographe : https://teobecher.be/

Lien vers le site de l’éditeur : https://www.becair.com/produit/charbon-blanc/

Lien vers une entrevue avec Teo Becher : https://www.fisheyemagazine.fr/rdv/livre/charbon-blanc-teo-becher-lalchimiste-des-alpes/


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